Congés menstruels : le juge ferme une nouvelle porte aux collectivités
Nouvel épisode dans le contentieux des autorisations spéciales d'absence (ASA) accordées pour des règles douloureuses. Dans un jugement du 24 juin, le tribunal administratif de Toulouse a jugé que de telles ASA ne pouvaient se raccrocher à un dispositif plus large visant à garantir l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Impossible non plus de se fonder sur les obligations des employeurs vis-à-vis de la santé physique et morale de leurs agents.
Cela fait maintenant quelques mois que plusieurs collectivités se frottent au contrôle de légalité, et au juge administratif, pour instaurer au profit de leurs agents souffrant de règles douloureuses et incapacitantes des autorisations spéciales d’absence (ASA) relatives à la santé menstruelle ou gynécologique.
Mais dans une circulaire de fin mai 2025, la Direction générale des collectivités locales a bien expliqué qu’il était impossible d’accorder ces ASA en se fondant sur l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique, ni sur les expérimentations locales prévues à l’article 72 de la Constitution.
Le conseil municipal de la commune de Strasbourg avait choisi une troisième voie, qui l’a mené tout droit vers le tribunal administratif qui a rendu son jugement le 24 juin. La commune avait décidé, par une délibération du 22 mai 2024, de mettre en place, à titre expérimental, pour une durée de deux ans, un « dispositif d’amélioration de la prise en charge de la santé gynécologique au travail comprenant un congé de santé gynécologique sous la forme d’une autorisation spéciale d’absence ».
Egalité femme-homme
La commune a d’abord fait valoir que le congé pour raison de santé gynécologique fait partie d’un dispositif global qui vise à garantir l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes et la mixité des métiers. Pour cela, elle s’est fondée sur les articles L. 1111-2 et L. 1111-4 alinéa 2 du code général des collectivités territoriales et de l’article 1er de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Une méthode qui n’a pas convaincu le juge. « Ces dispositions très générales, au titre desquelles, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités et les établissements territoriaux concourent avec l’Etat à la promotion de la santé et de l’égalité entre les femmes et les hommes en mettant en œuvre une politique en la matière comportant notamment « des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité », « des actions de lutte contre la précarité des femmes », « des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers », n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de les autoriser à déroger à d’autres dispositions légales et à instaurer un régime d’autorisations spéciales d’absence non prévu par la loi ».
Protéger la santé physique et morale des agents
Autre argument avancé par la commune : les autorités administratives doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents et prendre en compte les propositions d’aménagements du poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents, que les médecins du service de médecine préventive sont seuls habilités à émettre.
Ces dispositions, issues des articles 2-1, 14 et 24 du décret du 10 juin 1985, permettent-elles à une commune de mettre en place des ASA liées aux menstruations incapacitantes ? Pour le juge, toujours pas ! La délibération est donc annulée en tant qu’elle prévoit un congé de santé gynécologique, sous la forme d’une autorisation spéciale d’absence.
La DGCL, dans sa circulaire, a été claire : les ASA relatives à la santé menstruelle sont dépourvues de base légale. Les préfets ont pour ordre de déférer systématiquement les délibérations des collectivités instituant de telles ASA.
La DGCL invite plutôt les collectivités à accorder des congés de maladie ordinaire (CMO) fractionnés, qui permettent à un agent de s’absenter par journée ou demi-journée, et des jours de télétravail supplémentaires.